La Vigne
Pourquoi évoquer la vigne en ce lieu ? Le pressoir vertical à vis présenté ici est dépourvu de son environnement naturel. Pas de cuve pour la macération, pas de maie pour recueillir le jus pressé, pas de cuve pour la fermentation. Les quelques pieds de vigne entourant ce pressoir paraissent bien maigres pour l’alimenter.
Mais avant les années 1970, cet endroit était planté de vignes, de la salle Baffreau plus bas jusqu’au sommet de la colline qui conserve toujours cette culture.
Le pressoir à cage verticale exposé est le premier maillon de la mécanisation du pressage des raisins. Antérieurement, c’était le pressoir à long-fût entièrement en bois qui était utilisé. Massif, il nécessitait un bâtiment élevé pour le couvrir. La poutre supérieure était descendue sur le cep en faisant tourner la vis en bois. Le pressurage libérait le jus de raisin qui s’écoulait dans la maie du dessous et qui, par le trou d’anche, finissait dans une cuve.
La méthode moderne de pressage reprend le principe de la cage mais dans l’axe horizontal, avec l’aide d’un moteur électrique. Aujourd’hui, le bois a été remplacé par l’inox et la pression est assurée par une force hydraulique ou pneumatique afin de ne pas écraser les pépins, pour un moût qualitatif.
Derrière le pressoir exposé, existaient les caves Mollé. Ce négociant de la seconde moitié du vingtième siècle y avait installé un site pour son commerce (garage pour le camion et les cuves de stockage) et un site pour l’exploitation de son vignoble. Il y eut d’abord une écurie pour le logement du cheval servant à la culture de la vigne, avant qu’il ne soit remplacé par un tracteur vigneron. Les barriques en bois disparurent progressivement au profit de cuves enterrées en béton dont l’intérieur était recouvert de carreaux en verre.
La vigne a sans doute été introduite dans notre région dans les villae, ces grands domaines ruraux créés par les Romains dès le troisième siècle de notre ère. La vigne a été maintenue par l’Eglise qui avait besoin de vin de messe. On sait qu’au sixième siècle, dans un poème, Fortunat vante le vin récolté sur un coteau dominant la Loire. Saint Martin, en fondant le monastère de Vertou, a également fait planter des vignes. Les invasions des Normands, à partir de l’an 843, entraînèrent pratiquement la destruction du vignoble. En 937, Alain Barbe-Torte chassa les Normands et les vignes furent alors replantées. Le cabernet franc, qui produisait un vin rouge de médiocre qualité, fut abandonné et remplacé par des cépages rouges venant de Bourgogne.
Le vignoble à Saint-Philbert de Bouaine, c’est un patrimoine ancien car celui de Bossis de Landefrère est cité en 1415. La culture de la vigne nécessite des terrains graveleux, silico-argileux que l’on trouve à Bouaine.
En 1709 se produisit une terrible gelée, la température est descendue jusqu’à –30°, la mer gela entre Noirmoutier et le continent. Les pieds de vigne périrent, il fallut donc replanter. Dans la région nantaise, on replanta du melon de Bourgogne qui avait un peu mieux résisté à la gelée. Par contre, dans la région de Saint-Philbert de Bouaine, on introduisit la Folle Blanche ou Gros Plant, cépage provenant de la région des Charentes. Les commerçants hollandais installés à Nantes sont à l’origine de ce choix de cépage. Ils préféraient les vins blancs, surtout ceux qu’ils pouvaient facilement transformer en eau de vie, destinée aux pays du Nord, et prenant moins de place dans les bateaux que le vin en barriques.
Les façons culturales à donner à la vigne sont restées les mêmes au cours des siècles. Le vieux « coustumier du Poictou » indique : « Le teneur doit déchausser, tailler, fouir et biner ». La terre est labourée à la main à l’aide d’un pic. Les ceps morts sont remplacés, principalement par marcottage. On enterrait un sarment encore attaché au cep. La partie enterrée produisait des racines et on pouvait alors séparer le sarment du pied-mère. La vigne était dressée en gobelet. A environ dix centimètres du sol, on laissait pousser au moins trois branches sur une longueur d’environ cinquante centimètres à un mètre. C’est sur ces branches que pousseront les rejets qui porteront les raisins. La taille consistait à couper les rejets qui avaient produit des fruits pour laisser sortir de nouveaux rejets. La taille se faisait au moyen d’une serpette. Le sécateur n’est apparu qu’au début du vingtième siècle.
En 1840 les vignes couvraient une superficie d’environ 318 hectares, ce qui correspond à 9 % des 3412 hectares de terres cultivables de la commune. Les propriétaires de métairies, pour beaucoup des Nantais, se rendaient compte du revenu supplémentaire que la vente du vin pouvait leur rapporter. Ils entreprirent alors de planter chez eux de nouvelles vignes sur des parcelles d’au moins cinquante ares et même de deux à trois hectares. Ces nouvelles plantations étaient faites en ligne et non plus en planches. En examinant le plan cadastral de 1840, on constate l’implantation de ces nouvelles vignes sur des terrains à proximité des sièges des métairies ou près des vieux fiefs. Cela est particulièrement évident au nord de la commune, à la Sèvetière, au Buisson, à la Grimaudière, à la Chotardière, à la Vrignais où la famille Bourdin-Reliquet va planter 13 ha 50 de vignes. Etienne Lequen, propriétaire du Coin Garat, plantera le fief du Grand Coin de 5 ha 45 et le Milleau de 1 ha 30. Jacques Ursain, propriétaire de l’Aurière et de la Bordinière plantera 6 ha de vignes et son voisin, à l’Ecorce, Urvoy de St Bedan en plantera 4 ha 65. L’architecte Léonard Seheult, au Buisson et au Pas Maré, 2 ha 36. Pour les vignerons importants de Landefrère, Samuel Bouanchaud plantera 2 ha 27, les Martin, 2 ha 44 et Jean Parois, 2 ha 20.
Après l’attaque du phylloxera qui détruisit le vignoble européen à la fin du dix-neuvième siècle, on utilisa des porte-greffes pour les variétés plantées (Noah – Costel – Otello – Couderc – Gros Plant – Muscadet…) et des hybrides d’origine américaine.
Le muscadet sans dénomination locale est défini par un décret datant de 1937. Il couvre une superficie de 3600 hectares. Sa production annuelle est d’environ 214000 hl.
Le muscadet « Côtes de Grand-Lieu » est défini par le décret du 29 décembre 1994. Ce vignoble tire son originalité du microclimat du Lac de Grand-Lieu. L’appellation couvre une superficie de 300 hectares sur dix-neuf communes, dont Saint-Philbert de Bouaine. Sa production annuelle est d’environ 10 500 hl.
Le gros-plant du Pays-Nantais est un vin d’AOC produit au Sud de la Loire. Il s’agit d’un blanc sec principalement issus du cépage Folle-Blanche. En 2008, il couvre une superficie de 1372 hectares. Ce vin est en 2010 le premier vin de qualité supérieure de France en volume, avec 79380 hl.
Pour obtenir la dénomination « sur lie », les vins doivent séjourner, après fermentation, sur leurs lies (les dépôts formés par des levures mortes au fond des barriques) pendant quatre à cinq mois jusqu’à leur mise en bouteille. Cette technique particulière trouve son origine au début du vingtième siècle : les vignerons avaient pris l’habitude de conserver une barrique de leur meilleur vin pour fêter les grands évènements familiaux, notamment les noces.
Au milieu du vingtième siècle, nous étions la première commune viticole en Vendée. Chaque famille possédait au moins un lopin de vigne qui en réunissait les membres pour les vendanges. Les pressoirs étaient partagés ; celui qui n’avait pas de pressoir fournissait des journées de vendanges là où il pressait sa vendange. Mais chacun possédait une cave, petite ou grande, où il stockait sa récolte. Et cet endroit était le lieu de rassemblement où les hommes refaisaient le monde.
Les raisins écrasés libéraient leur jus dans la maie en bois avant d’être directement mis en barriques puis transportés dans les caves de chaque foyer. Le vin fermentait sans adjuvant. Cela ne produisait pas de grands crus mais une boisson quotidienne naturelle qu’on aimait partager. L’été était une saison difficile pour la conservation de ces vins à faible degré d’alcool. Un voile blanchâtre ou rose, appelé fleuret, se développait en surface dans les barriques et pouvait finir dans le verre.
L’hiver arrivé, quelques barriques étaient portées au bouilleur de cru, avec quelques bûches, de quoi alimenter l’alambic pour produire l’eau-de-vie qui était conservée dans des bouteilles.
Cette production viticole avait générée la présence d’artisans tonneliers.
L’aspect du vignoble a continué d’évoluer…. Depuis une trentaine d’années, les petits exploitants, ceux qui cultivaient leurs vignes pour leur consommation personnelle et la vente du surplus dans la zone locale, ont dû abandonner. L’explication est fournie dans ces articles d’Ouest-France de 1980 et 1982.
Par contre, d’autres vignerons font de l’exploitation de la vigne leur véritable métier. Pour cela ils se sont modernisés en matériel, ce qui a créé l’obligation d’agrandir les superficies exploitées et de s’équiper de machines à vendanger, de pressoirs automatiques, de caves avec de grandes cuves métalliques ou enterrées, de matériel nécessaire pour la mise du vin en bouteilles et sa commercialisation.
En 2023, le vignoble Épiard a reçu une médaille d’or au concours des IGP (Indication Géographique Protégée) du Salon de l’Agriculture de Paris pour son sauvignon, une médaille d’argent pour son grolleau rosé. En 2022, le muscadet du Domaine de la Pierre Blanche y a été doublement médaillé, or et bronze. En 2021, ils avaient obtenu deux fois l’or.
Le 15 octobre 2005, l’association Bouaine Patrimoine reconstitua le travail des vignerons du vingtième siècle sur la Place des Halles. En voici quelques images.
© Bouaine Patrimoine
Contributions : Pierre Parois
Rédaction : Jean-Pierre Morisseau